défi d'artiste
-
Défi d'artistes - J1 : aligné !
- Par
- Le 15/02/2017
- 1 commentaire
Defi d'artistes - Echo 1 - 100x40 - 2017
Je me suis préparé à ne rien espérer, ne rien attendre.
Nous sommes 7 artistes, tous à des stades différents, avec des histoires différentes. Plusieurs ont une expérience artistique de longue date, certains ont une formation d’architecte, les âges vont du simple au double. Nous passons une bonne heure à nous présenter, citer notre défi, évoquer notre état d’esprit.
Pour ma part, j’ai l’impression d’être « au milieu ». Je n’ai ni excitation ni inquiétude, ni envie ni rejet. Je me dis que c’est la quiétude mais je me méfie de cette pensée. Je me sens curieux, dans l’observation de ce qui se passe et de mon état intérieur. Le projet choisi par le public est « faire l’esquisse du projet artistique le plus fou que vous puissiez imaginer ». Ça n’a l’air d’enchanter personne mais nous devons nous y soumettre.
Comme je m’y attendais, je n’ai ni envie, ni besoin de peindre. La tension que j’ai identifiée comme nécessaire n’existe pas. En tous cas pas encore. C’est par le travail sur le défi du public que je décide de commencer cette première matinée. J’ai besoin de repères et cette figue imposée m’en offre un. J’ai une idée que je couche sur le papier. Je commence à dessiner. Je travaille aux antipodes de mes habitudes. Je me retrouve comme 5 ans en arrière, à l’époque où je faisais des petits gestes avec mes petits pinceaux au bout de mes petits doigts. Après quelques dizaines de minutes, je n’y tiens plus. J’ai envie de tout envoyer balader en faisant de grands gestes. Ma soif d’amplitude vient à bout de mon application à travailler sur ce défi. Je me trouve laborieux. Je range tout. Je reprendrai demain.
Commence alors pour moi une période pas vraiment agréable. À la maison, j’aurais mis un peu de musique, j’aurais flâné sur internet, j’aurais commencé l’écriture d’un article ou répondu à des mails… Mais là, je n’ai rien de tout cela. Je suis debout, les mains dans les poches, le regard dans le vide, ressassant que « rien ne vient ». Je déambule au milieu des pots de peinture, des châssis à construire et de tout le matériel nécessaire pour construire un œuvre. Il y en a partout mais… « rien ne vient » !
J’ai appris à gérer ces moments. Je ne me dis même pas « patience, Denis ; ça va venir… ». Je suis venu ici me mettre volontairement dans une situation inconfortable et je suis en plein dedans. Je n’avais plus ressenti cette sensation depuis des années. C’est fou comme une pensée négative peut être sclérosante, lénifiante, étouffante. Et pourtant, je n’ai d’autre choix que de l’accepter. Lutter contre ne la fera pas disparaître. Au contraire ! Je me rends compte que lutter renforce la présence adverse.
Après plusieurs dizaines de minutes à ressasser, le temps est venu d’accepter et de passer à autre chose. Il y a tout ce matériel qui m’entoure : du papier, de la toile, des châssis, de l’acrylique, de l’aquarelle, de l’encre de chine, des crayons de couleurs, des craies, des pastels, des compas, règles et rapporteurs, des pinceaux, des couteaux, des rouleaux, des punaises, un marteau, des tables des chaises, des cimaises et j’en oublie. J’ai tout à coup envie de faire quelque chose de tout cette profusion. Ce serait dommage de ne pas en profiter. La tension disparaît et je choisis de construire un châssis rectangulaire, format sur lequel j’ai toujours eu des difficultés à faire mes « gestes colorés ». Cette activité artisanale me remet d’aplomb. Je retrouve le plaisir que j’avais, enfant, à construire des maisons en Lego ou à emboîter des morceaux de bois pour construire une cabane.
Tout se passe ensuite très vite. Le châssis appelle la matière colorée qui, elle-même, appelle le geste. La place est à l’action et à… l’étonnement. C’est un indice : la création est dans les parages. Une toile vient puis deux autres dans l’après-midi. Je me sens au bon endroit, à faire ce pourquoi je suis là, tranquillement. J’ai l’impression d’avoir contourné les obstacles par ma persévérance, sans avoir dû lutter. Je sors content de cette première journée. Je me sens « aligné ».